|
Thierry Ehrmann
: « Je ne suis pas un bobo ! »
Entretien.
Thierry Ehrmann, la quarantaine, est p-dg du groupe Serveur qu'il a fondé
en 1987. Annonçant sans complexes 3 à 4 MF par an de revenus
personnels, ce libre-penseur passionné d'art contemporain a appelé
à voter Gérard Collomb aux municipales. il est totalement
rétif à la notion de bobo.
Lyon capitale :
Self-made man reconnu de la nouvelle économie, vous avez appelé
à voter Gérard Collomb. Peut-on vous considérer comme
un des symboles lyonnais des bobos...
Thierry Ehrmann : Certainement pas. Je ne suis pas un bourgeois-bohème.
Le bobo représente une classe sociale qui, d'un point de vue marxiste,
s'approprie l'outil capitalistique et reconnaît le contrat social,
ce que moi je refuse en partie. Le bobo utilise une mobilité accrue
grâce à l'acquisition de biens matériels ou immatériels
mais, évolué ou pas, il reste un bourgeois, ce que je ne
suis pas. Dans le champ de la création, le bobo fait perdurer les
psychorigidités d'il y a 5 ou 10 ans. Il a des murs établies
qui ne font que s'adapter à l'évolution naturelle de la
fin du XXème siècle. Le bobo jeune avocat reprend les
mêmes codes que ses pairs si ce n'est qu'il dispose d'un certain
nombre d'outils qui lui permettent une liberté de penser. En réalité
il présente une même rigidité au fond de lui. Dites
moi quel bourgeois pourrait prendre la défense des cultures des
minorités sexuelles agissantes et les bordures les plus extrêmes
de l'art contemporain comme je le fais régulièrement lors
de débats publics ?
Vous semblez en vouloir au bobo ?
Il y a des gens que j'aime bien qui sont dedans, et l'émancipation
d'une bourgeoisie sédentaire en bourgeoisie bohème est plutôt
sympathique. Je préfère un bourgeois-bohème à
un bourgeois d'Ainay ! Et puis, ils ont déjà l'honnêteté
de se définir comme une caste sociale. Mais si je n'ai rien contre
le bobo, je ne peux pas y adhérer : il n'y a pas de révolution
sociologique là-dedans. On vit une amélioration de la bourgeoisie,
c'est tout, et le problème bourgeois demeure le même. Je
n'en veux pas aux bobos, mais je fais remarquer que c'est une notion métaphysiquement
creuse sans aucune référence culturelle, un produit marketeux
d'agence parisienne que la droite récupérera demain pour
le flinguer. Ce sera facile, il n'y a rien dedans. Le bobo a adopté
le hightech et les nouveaux médias. Par exemple, il n'a jamais
fait d'internet une culture qui aurait 15 ou 20 ans d'âge. Je n'ai
encore jamais vu un bobo me soutenir une véritable philosophie
ou une culture des réseaux.
Comment vous définissez-vous ?
La notion de nomade définie par Attali m'intéresse plus.
J'appartiens au village global. Les gens qui sont dans notre mouvance,
ce sont plus des anars qui veulent faire exploser l'ancien système
: ils ont une très forte culture underground qui n'a rien à
foutre des bobos, c'est net et carré [...] Je n'ai eu aucun engagement
partisan, si ce n'est de dire que la gauche a indiscutablement libéré
les énergies depuis 20 ans sur tous les nouveaux médias,
ce qui a enfin permis la rupture avec les ordonnances de presse de 1945.
Si j'ai appelé à voter Collomb et si je suis allé
au conseil municipal à son élection, c'est parce que c'était
de l'histoire : il fallait faire tomber un siècle de bourgeoisie
qui a rigidifié et étouffé culturellement cette ville.
Je suis fou de joie que la gauche ait gagné Lyon et j'étais
prêt à me battre jour et nuit contre contre une certaine
bourgeoisie, mais ça ne nous empêchera pas, je l'ai dit à
Gérard (Collomb NDLR) d'être de féroces contradicteurs
pour la défense d'une gauche libertaire...
Propos recueillis
par Ph. Chaslot
copyright ©2001 Lyon capitale
|
|
PRESENTATION |
|
SOCIETES |
|
PARTICIPATIONS |
|
LA
BOURSE |
|
REVUE
DE PRESSE |
|